Charlie Crane : Clémence, pourrais-tu te présenter et nous expliquer ce que tu fais dans la vie ? 

Clémence Maumené : J’ai fait des études d’ingénieurs en agro-alimentaire. Lorsque j’ai eu mon premier enfant, ça me tenait à cœur de lui préparer des recettes faites maison. Et puis au fur et à mesure, je suis devenue la “référente diversification” dans mon entourage. Je me rendais compte que ça n’était pas si simple que ça. On se pose un tas de questions : à quel moment on donne ça, quand trouver le temps de cuisiner dans nos journées déjà chargées… En tout cas, mes copines n’y arrivaient pas. A la base, j’ai créé “Cuisinez pour bébé” comme un blog de partage où je présentais mes recettes, mes techniques de batch cooking. Finalement, mes copines n’étaient pas les seules à ramer, le blog a vite pris.  Maintenant, je propose un menu pour bébé avec toutes les recettes de la semaine en batch cooking. J’ai aussi écrit un livre “Cuisinez pour bébé” avec une centaine de recettes adaptées à la diversification alimentaire. On a aussi une application téléphone. 

Charlie Crane : A partir de quand peut-on démarrer la diversification alimentaire ?

Clémence Maumené : Mes conseils s’appuient sur des études scientifiques et des recommandations officielles. Aujourd’hui, on dit que la meilleure fenêtre est entre 4 et 6 mois pour plein de raisons. C’est la période où la maturité digestive de bébé se met en place. Il peut manger autre chose que du lait qui de toute façon ne couvre plus tous ses besoins nutritionnels. C’est aussi la bonne période pour limiter les allergies.

Charlie Crane : Quelles sont les grandes étapes de la diversification alimentaire ?

Clémence Maumené : Elles sont à titre indicatif. Tous les enfants sont différents, si on ne rentre pas dans les clous, il ne faut pas s’inquiéter ! On les découpe en 4 grandes étapes : 

  • Entre 4 et 6 mois : le temps des premiers repas. Bébé découvre des textures lisses. Vous pouvez lui proposer des purées de légumes nature, de façon simple. On peut donner toute famille d’aliment. Le plus intéressant est d’apprivoiser les légumes, car ce sont les aliments qui seront le plus sujet à rejet et les plus nutritifs.
  • A partir de 6-8 mois : on est dans la diversité. Dans l’idéal, il faut introduire un maximum de goût, jouer avec les épices, les herbes aromatiques et la variété alimentaire. Dès 6 mois, on peut ajouter une petite cuillère lisse de viande mixée le midi car le bébé a plus besoin de fer, environ 10 grammes de protéine par jour, sans obligation de protéines tous les jours ! On évolue vers des textures moins lisses. Dès que le bébé se met en posture assise, il a moins de risque de s’étouffer. 
  • La mastication s’établit vers 9 – 12 mois : c’est la période des textures et repas complets. Vous pouvez introduire des aliments qui se mastiquent comme des fruits frais bien mûrs, des petites pâtes dans la purée pour donner de la texture. C’est aussi le moment de tester des céréales non mixées dans des petits plats. 
  • A partir de 12 mois : bébé est capable de manger de tout, il devient grand et progresse vers l’assiette des parents !

Charlie Crane : Quelles sont les bonnes conditions pour démarrer la diversification alimentaire ?

Clémence Maumené : Le mieux est de commencer les week-ends ou les vacances afin d’être disponible. Pour un bébé, c’est une énorme nouveauté. Cette première expérience est un beau moment de partage. Pendant des années, on a traité la diversification alimentaire comme une étape médicale, alors que se nourrir est une joie. On ne remplit pas juste nos bébés ! D’ailleurs, on assimile mieux les nutriments en mangeant consciemment, avec plaisir. 

Charlie Crane : Comment donner les premiers repas à un bébé ? 

Clémence Maumené : En plus d’avoir le temps, je conseillerais de mettre bébé dans un transat à la verticale ou sur soi. Sur les premières cuillères, il n’y a pas d’objectifs nourriciers, c’est l’expérience avant tout. On s’en fiche s’il se salit, c’est souvent un moment qu’on filme et qu’on envoie à ses proches… Il ne faut pas s’inquiéter s’il n’a pas assez mangé. S’il ne veut pas la cuillère, on peut le mettre sur notre doigt pour qu’il suce. On le laisse jouer avec la cuillère en dehors des repas. Sur les premiers repas, pas de pression, surtout que les bébés la ressentent !

Charlie Crane : Quand est-ce qu’on installe son bébé dans une chaise haute pour les repas ?

Clémence Maumené : A partir du moment où bébé sait s’asseoir seul, en général vers les 6 mois. De préférence une chaise évolutive qui vous suivra longtemps. Je dirais aussi à hauteur de table pour garder ce moment convivial et familial. L’avantage avec les chaises évolutives, quand l’enfant est prêt, il peut s’installer seul en toute autonomie. 

Charlie Crane : C’est grave si on s’est emmêlé les pinceaux et qu’on a loupé des étapes clés ?

Clémence Maumené : Il faut déculpabiliser ! Je suis convaincue qu’on fait du mieux qu’on peut, avec ce qu’on sait. Parfois j’ai des retours de clients paniqués qui me disent ne pas avoir fait ceci ou cela avec leurs enfants… Les recommandations évoluent. Aujourd’hui on dit qu’il faut donner du lait de croissance jusqu’à trois ans, mais ça n’a pas toujours été le cas… L’essentiel est de ne pas forcer son enfant et de prendre du plaisir.

Charlie Crane : C’est quoi la DME ?

Clémence Maumené : C’est la Diversification Menée par l’Enfant. Je ne l’oppose pas à la diversification classique. Grâce aux morceaux, ils peuvent toucher et découvrir les textures (à partir de 6 mois). Donner un morceau de fruits en dessert. Toucher le fruit et avoir une cuillère. Le côté autonomie à table est également intéressant. Je ne mets pas d’étiquette car les méthodes se complètent !

Charlie Crane : Et quand bébé ne veut goûter à rien ou n’aime rien, on fait quoi ?

Clémence Maumené : Certains enfants ont besoin de plus de temps. On dit qu’il faut présenter un aliment au moins 10 fois avant d’être accepté sans forcer. Quand il y a vraiment du dégoût, n’hésitez pas à proposer l’aliment sous différentes formes. Par exemple, une carotte se décline en bâtonnet ou purée. Certains enfants ont besoin de toucher avant de mettre en bouche. Si ça devient problématique, n’hésitez pas à consulter votre pédiatre. En cas de trouble de l’oralité, il peut vous diriger vers un ergothérapeute et un orthophoniste. 

Charlie Crane : Tu parles de batch cooking, c’est quoi ?

Clémence Maumené : C’est cuisiner en une seule fois tous les plats de la semaine. En moins de 2 heures, les parents cuisinent dix plats du lundi au vendredi. On garde au frigo ce qu’on consomme dans les deux jours et on congèle le reste de la semaine. Ça prend du temps, mais c’est fait maison et on en profite toute la semaine. Le plus compliqué, c’est de concevoir le menu, c’est notre valeur ajoutée. Avoir de la variété tout en optimisant le menu, c’est ce qu’on propose sur notre site et dans mon livre. 

Charlie Crane : Finalement, quel est le plus important dans cette étape de diversification alimentaire ?

Clémence Maumené : Il peut y avoir des aspects culpabilisant avec les conseils purs et durs. Il faut faire ceci et cela… Certaines recommandations sont bonnes mais il ne faut pas se figer sur les repères. S’adapter, piocher ce qu’on aime et s’adapter à son bébé sont essentiels, sinon c’est source de stress, de frustration et d’énervement. Gardez en tête que le plaisir est au centre de l’alimentation ! 

Un grand merci à Clémence et Jonas pour leur temps !

Aller plus loin avec le site cuisinez-pour-bebe.fr/

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