Les Éditions Charlie Crane, rencontre avec Mathilde Toulot - la fondatrice

La poésie pourrait-elle accompagner les premiers instants de la vie ? Apaiser, relier, envelopper ? À l’heure où les jeunes parents cherchent des repères doux et authentiques, les Éditions Charlie Crane proposent une réponse inattendue : un recueil de poèmes dédiés aux nouveau-nés, écrits pour célébrer le lien naissant. Derrière ce projet sensible et audacieux se trouve Mathilde Toulot, journaliste devenue autrice et éditrice, qui a choisi de remettre la poésie au cœur des familles. Nous sommes allés à sa rencontre pour comprendre comment est né À toi qui es là, pourquoi ce livre a pris la forme d’un écrin, et comment les mots — les tout premiers — peuvent devenir un véritable geste d’amour.

Les Éditions Charlie Crane, rencontre avec Mathilde Toulot - la fondatrice

1 - Mathilde, pourrais-tu nous raconter ton parcours : comment en es-tu arrivée à la poésie, puis à la création de ce recueil ?

Mon parcours est aussi sinueux que celui d’une rivière, mais, comme elle, il coule toujours dans le sens de mon courant intérieur. J’ai travaillé 20 ans comme journaliste dans la mode et j’avais créé un studio de contenu pour les marques de luxe. Après la naissance de mon troisième enfant, j’en ai eu assez de cet univers, des commandes incessantes, il fallait que je m’exprime. Que mon travail fasse sens à mes yeux.


2 - D'où t’es venue l’inspiration de publier un recueil de poésies pour nouveaux-nés, toi dont les enfants sont déjà grands ?


J’ai 45 ans quand j’ai l’idée. Et dans mon esprit, la maternité, c’est terminé pour moi. Je ne tomberai plus enceinte, ce chiffre est comme un cercle symbolique qui m’enveloppe de sa certitude. Je n’aurai plus d’enfant de chair, fabriqué avec mon sang. Lové dans le savoir de mon corps, cette certitude fait naître « À toi qui es là ».
Ce recueil, c’est comme écrire dans le livre d’or d’un lieu qu’on a aimé au-delà de tout. On le quitte et on laisse le plus beau des messages pour les suivants. Avec « À toi qui es là », je transmets à mes sœurs, futures mères, aux pères à leur côté, des mots pour construire le lien.

3 - En tant qu’éditrice et autrice, comment jongles-tu entre ces deux casquettes ? Quels sont les avantages (et peut-être les défis) de porter ces deux rôles ?


Ce sont des temps différents de cerveau. Celui d’autrice est un temps où je marche à l’orée du monde, dans mon jardin intérieur, c’est le matin à l’aube que j’écris. Celui d’éditrice est tourné vers les autres et se fait en plein jour. Les deux se complètent parfaitement.



4 - Comment imagines-tu le rôle d’un livre de poésie dans le monde d’aujourd’hui ?


La poésie a le vent en poupe. De nombreux clubs de poésie voient le jour. Sans doute parce que cette parole condensée et efficace qui parle de cœur à cœur, sur un mode instinctif, convient beaucoup à notre époque qui vit à 100 à l’heure. Nous avons toujours eu besoin de nous connecter les uns aux autres avec de la beauté.

5 - Pourquoi avoir publié ce recueil en lançant les Éditions Charlie Crane, plutôt qu’avec un éditeur déjà établi ?


Depuis plus de dix ans, mon mari Thomas chez Charlie Crane accompagne les jeunes parents en concevant des meubles beaux, enveloppants, adaptés aux tout-petits. Porter à mon tour les familles, mais cette fois avec des mots, était une évidence. 

6 - Comment s’est déroulé le processus de sélection des auteurs et autrices ?


Je me suis mise à lire de la poésie, à aller partout où les poètes lisaient, je les ai rencontrés, je leur ai parlés de mon idée et dès les premières conversations, j’ai senti que je n’avais pas complètement rêvé ce projet, qu’il allait exister, que des ponts s’élevaient entre mon idée et les autres. L’envie de propager la poésie pour les nouveau-nés s’est mise à me dévorer. J’ai eu l’idée du coffret en même temps que le recueil. Il fallait que les gens aient envie de se l’offrir.

 7 - Quelle a été la place de l’objet-livre (mise en page, illustration, choix du papier, etc) dans ta démarche ?

C’est cru à dire mais un livre est aussi un produit. Il doit rencontrer un marché. Si je voulais diffuser de la poésie au plus grand nombre, il me fallait le plus craquant des écrins. Cela allait de soi qu’il devait être beau. Et puis, j’aime les belles choses, mon portefeuille s’en plaint d’ailleurs beaucoup.


8 - Tu as récemment lancé un atelier de poésie dans le service néonatologie de l’Hôpital Robert Debré, où tu proposes aux parents et nouveau-nés un moment de lecture. Peux-tu nous parler de cette expérience ?


Je vais voir les parents en chambre, avec leur bébé prématuré ou malade. Je leur explique les bienfaits de la lecture, de la poésie, on discute un peu ensemble. Puis je lis un poème et ensuite, je les invite à lire à leur tour. C’est très simple sur le papier et pourtant, ce sont des expériences au-delà des mots. Un service néonat est un lieu très particulier. Sitôt que les portes se referment, on pénètre un monde où la tension monte de dix crans. Les enjeux de vie et de mort sont permanents. Le besoin des parents d’être accompagnés et réconfortés, aussi. Et je suis heureuse de leur donner quelques minutes de lumière. Ils me le rendent bien.


9 - Y a-t-il un moment ou une anecdote qui t’a particulièrement touchée ?


Quand, au milieu de leur lecture, les mères se frappent soudain le cœur de leur paume en s’écriant « Comme ça me fait du bien ! ». Il n’y a pas de meilleure récompense. Où ce papa qui m’explique qu’il change les noms dans les textes avec celui de sa fille pour être encore plus près d’elle durant la lecture.


10 - Est-ce que les Éditions Charlie Crane ont d’autres projets en préparation ?


Nous avons d’incroyables projets à venir pour les nouveau-nés. Et de drôles de livres-jouets pour les tout-petits ! 



 

Pour finir : que voudrais-tu dire à toutes les personnes « À toi qui es là » (lectrices, lecteurs, parents, bébés, partenaires) et qui seront touchées par ce livre ?


J’ai envie de leur prendre la main et de leur dire : je sais, moi aussi. Éprouver ensemble de la joie, c’est le sel de la vie.